Un laboratoire pour mieux comprendre les déterminants de nos goûts olfactifs

24 octobre 2022

  • Pays de la Loire
  • Unité de Recherche
  • Valorisation

L’être humain peut identifier 10 000 molécules grâce à son système olfactif. Devant ce large éventail de sensations possibles, comme déterminer les molécules les plus agréables au goût ou, au contraire, celles qui nous font nous détourner d’un plat ? Ces questions sont au cœur des travaux de Carole Prost. La chercheuse, professeure en sciences des aliments à Oniris, et exerçant au sein du GEPEA (UMR 6144 CNRS/IMT Atlantique/Oniris/Nantes Université), équipe MAPS2, est spécialiste de la qualité aromatique des aliments. Plus précisément, Carole Prost a développé un savoir-faire unique sur l’identification et l’analyse des composés volatils et/ou odorants qui sont à la base de la perception du goût. « Je m’intéresse aux déterminants chimiques de la réponse sensorielle », explique-t-elle.

La scientifique étudie tout particulièrement les molécules accessibles par notre épithélium olfactif. Cette muqueuse, située dans notre cavité nasale, est le principal capteur de notre odorat. Si nos papilles ne distinguent pas plus de cinq saveurs, l’épithélium peut identifier des centaines de nuances olfactives. « L’épithélium olfactif est codé par 369 gènes, ce qui en fait notre deuxième système génétique après la réponse immunologique », précise Carole Prost. Notre épithélium est ainsi capable de discerner des molécules présentes sous forme de trace dans notre cavité nasale. « Il suffirait de deux gouttes d’une molécule, comme le trichloro-anisol – à l’origine d’une odeur très désagréable et principale responsable du goût de bouchon du vin –, versées dans une piscine pour nous en faire sortir, et cela grâce à notre épithélium », développe Carole Prost.

 

Pour caractériser les molécules, le laboratoire s’est d’abord doté de nombreux équipements de mesures, comme un chromatographe en phase gazeuse ou un spectromètre de masse. Mais c’est bien dans les méthodes d’analyse de la perception que la Carole Prost se distingue. Elle a ainsi mis au point et breveté, dans les années 2000, un outil de mesure de l’intensité de perception olfactive, baptisé Wheel-o-Mat. Sans oublier d’autres appareils capables de reproduire la mastication. Objectif : mieux comprendre l’influence de la formulation des aliments et des textures sur la libération des molécules, selon l’état spécifique masticatoire. Cet état peut être altéré chez les personnes âgées par exemple.

Appareils du laboratoire de Carole Prost

GcxGC-MS-TOF ou « comprehensive GC » avec de la chromatographie bidimensionnelle combinée à un spectromètre de masse à temps de vol (crédit photo : GEPEA)

 

La chercheuse collabore aussi régulièrement avec des industriels pour analyser l’influence de leur processus de production sur les sensations gustatives et olfactives, et fournir des recommandations. Carole Prost a, par exemple, travaillé sur la réduction de la production de molécules HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) lors du fumage des poissons. Plus récemment, elle a initié le projet FroMasDig, programme monté en partenariat avec le STLO (Science et technologie du lait et de l’œuf) et le CIRM-BIA (Centre international de ressources microbiennnes – Bactéries d’intérêt alimentaire). Ce projet consiste à mettre au point un masticateur et un digesteur instrumentés pour étudier la perception olfactive et nutritionnelle des aliments végétaux utilisés dans la production de substituts au fromage.

 

La scientifique est consciente que ses recherches pourraient intéresser un nombre plus important d’industriels, issus de nouveaux secteurs. « J’avais entamé, avant 2020, un travail sur le secteur de la diffusion des parfums issus des bougies. J’espère que des outils comme Plug in labs vont nous permettre de faire connaître nos compétences à de nouveaux acteurs », conclut Carole Prost.