Comment l’équipe Myriads rapproche les données de leurs utilisateurs

5 décembre 2022

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En matière de gestion de données, les utilisateurs veulent reprendre la main. En premier lieu, ils souhaitent savoir où sont hébergées leur data, par qui et comment. Mieux, l’essor des concepts de villes intelligentes ou de mobilité connectée fait émerger de nouveaux usages, qui demandent à leur tour de rapprocher les sites d’hébergement des données des lieux d’utilisation. Le stockage dans de vastes entrepôts se révèle ainsi incompatible avec ces nouvelles exigences, car il pose des problèmes en termes de latence, de sécurité et de souveraineté sur les données.

Cette évolution a donné naissance à l’ère de l’edge computing, ou fog computing. Il s’agit d’une architecture informatique inédite dans laquelle les stockages et les logiciels de traitements sont installés au plus près des producteurs de données. Cette transformation amorcée il y a quelques années soulève encore de nombreux problèmes. « Nous nous sommes aperçus que les hypothèses qui ont donné naissance au cloud ne fonctionnaient pas avec l’edge computing. Par exemple, les systèmes Kubernetes utilisés pour gérer des fédérations de cloud détectaient de multiples pannes lorsqu’ils étaient installés de manière distribuée, alors même que les pannes n’existaient pas », explique Guillaume Pierre, responsable de l’équipe Myriads de l’IRISA, spécialiste du cloud et du edge computing.

 

Myriads s’est ainsi fixé comme objectif de lever les verrous qui freinent l’essor des cloud distribués. Une des missions a consisté à adapter ces systèmes Kubernetes aux infrastructures de cloud décentralisés. L’équipe a également travaillé sur les méthodes de stockage et d’accès aux données. Jusqu’à présent les hébergeurs assuraient la fiabilité des data en les répliquant dans différents emplacements. « Cette méthode est efficace, mais elle reste coûteuse. Une donnée génère ainsi entre cinq et dix copies, multipliant d’autant le prix et la consommation énergétique de la sauvegarde », précise Guillaume Pierre. « Nous adaptons ainsi les codes correcteurs d’erreurs, utilisés dans les infrastructures cloud traditionnelles, aux contraintes du stockage des données dans des cloud décentralisés, afin de réduire le coût des copies », ajoute-t-il.

 

La levée progressive de ces verrous pourrait libérer le potentiel de l’edge computing, dont les applications sont déjà très larges. C’est le cas dans le domaine de l’étude de l’environnement. « Les vidéos d’observations des animaux, installées souvent dans des sites naturels isolés, sont programmées pour détecter les phénomènes inhabituels. Si le logiciel de traitement des images est implanté loin du site d’observation, le temps de transmission des images vers le cloud, leur traitement et leur retour vers la machine feront rater l’événement à la caméra », poursuit Guillaume Pierre. L’edge computing pourrait aussi favoriser l’essor du concept de cités « intelligentes ». « Une ville comme Rennes, qui a déployé de nombreux capteurs, a besoin de systèmes pour traiter ses données à proximité, en évitant qu’elles soient hébergées à l’étranger », rappelle le chercheur.

 

Guillaume Pierre a déjà commencé à tester ses solutions grandeur nature. Son équipe a mené FogGuru, projet européen de formation doctorale Action Marie Sklodowska-Curie consacré au fog computing. Le programme a été monté en partenariat avec l’Université technologique de Berlin, la PME suédoise Elastisys et l’italienne U-Hopper, l’EIT Digital Rennes et un laboratoire basé à Valence (Espagne), spécialiste de la smart city. Ces travaux ont permis à plusieurs doctorants de tester des solutions de fog computing à Valence. Ils ont notamment développé un outil de gestion décentralisée des données des consommateurs d’eau de l’agglomération, à partir de leurs compteurs connectés. « La municipalité est confrontée à la rareté de l’eau. Elle souhaitait utiliser nos solutions pour prévenir plus rapidement les propriétaires victimes d’une fuite, en faisant passer le délai de déclenchement de l’alerte de trois jours à quelques heures. »

 

Les promesses du fog computing deviennent aujourd’hui de plus en plus concrètes, à mesure que ses avantages apparaissent. C’est ce qui amène de plus en plus d’entreprises à s’adresser à IRISA pour co-développer ce type de procédés. Très récemment, le laboratoire a signé un partenariat avec la start-up Hive et l’INRIA pour mettre au point ces cloud décentralisés. Le portail Plug in labs Ouest participera à la promotion des avantages du fog computing.